Il était une fois ...

Mais cela fait si longtemps que j'attends cet évènement dans la souffrance, depuis le jour où on m'a dit que sa mort serait inévitable.
Un jour dans ma chambre - je me revois très bien -, une personne (qui ? je ne sais plus, j'ai sûrement oublié pour ne pas la détester) m'a appris l'inévitable. Je m'effondrais doucement sur la moquette verte.
Depuis, je vivais avec cette angoisse.

L'angoisse d'apprendre sa mort. L'angoisse de la trouver morte lors d'une de mes visites quotidiennes.
L'angoisse ...

Je ne sais quand je l'ai appris, je ne sais si cela fait des jours, des semaines ou des mois que j'attends, j'ai l'impression d'avoir grandi avec cette angoisse.
Maintenant, je vis ce moment avec joie, avec délivrance. Maintenant, je n'aurais plus jamais peur.

Maintenant, tel un "étranger", je pouvais enfin dire : "Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas."

Nous nous garons, à l'arrière de l'hôpital, je connais bien cet hôpital, j'y viens presque tous les jours depuis près de trois ans. Lorsque j'ai un créneau dans mon emploi du temps, je viens ici en courant, ou je monte à l'arrière d'un mobylette d'un camarade. Oui, je connais bien cet hôpital.
Je me dirige dans le dédale de couloir, un coup à gauche un coup à droite, je connais le chemin par coeur, il faut monter un étage, traverser encore un couloir, la chambre est au fond à droite.
"C'est la dernière fois que je viens ici", pensais-je.

J'arrive enfin à la dernière porte, toute ma famille m'attend, ils sont assis le visage sombre. Mes grands-parents, mon beau-père, et ma tante. Lorsqu'ils me voient, tout le monde éclate en sanglot. Je retenais mes larmes depuis si longtemps, mais tout part d'un coup.
Des années de chagrins, partent en une seule fois. Cela en fait des larmes, des années de chagrin.

Le temps, à ce moment là, prend des proportions étranges, je ne sais plus si nous pleurons ensemble des heures, ou seulement quelques minutes.
Un médecin nous demande si nous voulons voir le corps. Je refuse. Je ne veux pas de cette dernière vision morbide, je veux garder des souvenirs heureux, si j'en ai encore.

La tante et moi nous nous en allons, nous allons chercher ma petite soeur Lisianne, au collège, nous allons lui apprendre la nouvelle.
Lyse est une révolté dans l'âme, elle n'accepte rien, encore moins l'autorité. A son habitude, elle devient folle en apprenant la triste nouvelle, se révolte, crie dans la rue et nous supplie de l'emmener voir le corps.

Mon comportement froid et distant, me surprend par rapport à celui de Lisianne, si spontané, si vif.

Un de nos trois CPEs (conseillers principaux d'éducation), M. O.  rentre.
"Bonjour, Mademoiselle Lise doit venir avec moi". Le professeur de mathématique ne veut pas me laisser partir. Il n'a pas fini de dire mes quatre vérités. Mais le CPE insiste : "C'est une raison importante, je vous expliquerai".
Mes camarades (un bien grand mot pour ces inconnus qui partagent seulement une salle de cours quelques heures par semaine avec moi) me regardent avec des yeux gros comme des billes, les rumeurs vont bon train. Ils se questionnent, s'interrogent, je me fais remarquer deux fois, en moins de dix minutes. Moi, qui ne parle jamais, je ne fais pas vraiment partie de leur monde.

Apres quelques minutes de discussion, le prof me laisse partir avec M. O., je prends mes affaires et je le suis en silence. Nous n’avons vraiment pas grand chose à se dire. Je sais pourquoi il est là. Et lui n'ose trop rien me dire. Le moment où ma vie a basculée vient de commencer et tous les deux, nous le savons.

On va jusqu'à son bureau, là, une des soeurs de mon beau-père, Marie-claude m'attend. "Tiens, je n'aurais jamais pensé que ce serait elle qui viendrait me chercher". Je connais très peu cette personne en fait. Tout le monde se regarde d'un air qui s'impose, en silence. M. O. me demande de suivre ma tante.
A ce moment, je ne pense qu’à une chose, Bertrand, mon amoureux, et mes amis, ils vont m'attendre à 10 h 30. Je ne pense qu'a cela, cette heure de bonheur en moins. Qu'à mes amis qui vont m'attendre, les parties de cartes qui ne vont pas se dérouler, nos discussions pleines d'entrain auxquels je ne participerai pas.
"Monsieur, vous pourrez prévenir Bertrand W. que je ne pourrais pas venir ?"
"Oui aucun soucis" Il ne pouvait pas me le refuser.

Je suis ma tante vers sa voiture, le trajet se fait en silence. Deux kilomètres dans le silence. Pour l'instant, personne ne m'a encore rien dit.

C'est le dernier cours avant les vacances, deux heures de maths avant d'être libre. Deux heures de calvaires avant une heure de bonheur, suivie de deux semaines de vacances.
Je rêvasse.
Le prof m'appelle pour corriger les exercices que normalement j'aurais du faire à la maison. Bien sur, je ne les avais pas fait. Pas parce que je suis un cancre, un peu rebelle, car je savais qu'aujourd'hui cela ne servait a rien. Aujourd'hui, on allait venir me chercher pendant le cours.
Monsieur R. lève les bras au ciel, me trouve irresponsable. Arrêter de travailler a deux mois du BAC, vous vous rendez compte ? La matière qui compte le plus !!!

Non, je ne me rendais pas bien compte. "Mais qu'est ce qu'ils foutent ? Ils devraient être venu me chercher depuis un moment."
La classe me regarde, les petites filles de riches pouffent de rire devant, les cancres au fond me regardent d'un air conciliant. Mélanie qui s'assoit toujours à coté de moi, ne comprends pas, ce n'est pas mon genre.

Je suis en train de penser que je ne verrais pas mes amis à 10 h 30. Mince ! Il faut que je les prévienne.
Enfin, quelqu'un toque à la porte. Enfin ! Monsieur R. arrête de me crier dessus. "Entrez !"
Un grand chauve entre. Enfin !

Bonjour,

Voici un nouveau blog, encore un nouveau parmi tant d'autre.
Ce blog ne sera pas, un véritable blog, pas un journal tenu jour après jour, pour raconter mes aventures quotidiennes mais plutôt un livre pour raconter ce que j'ai vécu dans le passé, avec des chapitres, des paragraphes, des mots...

Bien sur, je ne me prétends pas écrivain, mais cela me permettra de me délester du poids du passé.

Bonne lecture.